2016-11-19

Depuis la première édition de Devoxx Fr, à l’issue des délibérations du CFP, il m’arrive d’entendre des remarques du genre “Si j’avais su qu’il fallait casquer pour avoir une conférence, je n’aurais pas postulé”, “De toutes façons le CFP, c’est un truc de réseau d’indep et si t’es pas indep tu as peu de chances d’être retenu” ou encore “On sait très bien que c’est pipé et que plein de slots sont trustés par quelques boîtes”.

J’ai assisté à toutes les éditions depuis le début, j’ai ensuite été speaker puis j’ai été invité à faire partie en 2014 du comité de sélection et j’aimerais donner quelques précisions quant à l’organisation de cette étape.

Pour commencer, le comité est composé d’une vingtaine de personnes. Toutes indeps. Ou pas. Il y a des consultants de SSII, des gens qui travaillent chez des éditeurs, des CTO, des indeps, etc. En tout cas toutes sont bénévoles! Chacune d’entre elles va évaluer les propositions grâce à l’application du CFP. Une fois les sujets soumis, chacun d’entre eux doit recevoir des notes comprises entre 1 et 10 attribuées par les membres. Pendant le temps d’ouverture du CFP, le comité peut échanger avec le speaker.

Le CFP est ouvert à tous, il suffit de s’enregistrer et de déposer des propositions. Mais le comité prépare également une liste de speakers qu’il aimerait bien inviter à proposer une conférence, voire une keynote. En 2016 ils étaient 17. Enfin, 16 slots sont réservés aux partenaires en fonction du niveau de sponsoring (Platinium ou Gold).

L’année dernière, le nombre total de demandes s’élevait approximativement à 800. Une fois que le CFP est fermé et que les notes ont été attribuées, le comité se réunit pout effectuer le travail de sélection à proprement parler. Il y a deux types de propositions qui sont faciles à traiter: celles qui sont notées très hautes sont rapidement acceptées; celles qui sont notées très basses sont rapidement écartées. Vient ensuite la deuxième passe, qui va traiter le “ventre mou” (no offense!) et c’est évidemment la plus difficile pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’elle donne lieu à un débat en séance: on va regarder quel est le thème sélectionné (DevOps, BigData, Java, etc.) et comment il est déjà représenté dans les propositions qui sont déjà sélectionnées, s’il n’y a pas déjà une star du domaine qui a posté un sujet similaire super intéressant, si c’est en anglais, en français, ou tout simplement un ou plusieurs membres montent au créneau pour défendre une proposition dont ils sentent la sélection menacée et expliquent à l’assemblée pourquoi il lui paraît important de l’accepter. Les arguments présentés peuvent faire pencher la balance malgré une note limite. Ou pas. D’ailleurs à ce sujet, une note limite pour une proposition à DevoxxFr ce n’est pas 5 ou 6 comme à l’école, mais plutôt 8.2 ou 8.5!

Une nouveauté dans le CFP est apparue depuis l’édition 2016: le comité s’ouvre aux Golden Tickets. Les Golden Tickets sont vendus à des participants qui désirent pouvoir prendre part à l’évaluation des propositions. Ils sont accessibles à tous, mais dans une quantité limitée à 64 billets. Leur évaluation est donnée à titre uniquement consultatif mais, néanmoins, elle est importante pour nous, car elle permet d’apporter un prisme différent, celui des participants, et de permettre au comité de se remettre en question sur des sujets qui pouvaient paraître entendus, dans un sens comme dans l’autre.

Quelques conseils pour soumettre

Il n’y a évidemment pas de recette miracle. Mais vous pouvez déjà mettre quelques atouts de votre côté. La première des choses est le timing. Quand devez vous soumettre ? Pour répondre à cette question il faut comprendre comment arrive le flot de propositions. On est au début de la période d’ouverture et on a quelques propositions par jour. Cela donne le temps aux membres de potentiellement poser des questions aux candidats, se pencher sur le contenu, de regarder un bout d’un talk du speaker sur YouTube pour vérifier son niveau d’élocution, de signaler une typo, il arrive même que l’on propose au candidat de fusionner sa proposition avec celle d’un autre speaker car les contenus sont similaires !

Mais ça c’est au début… quand on a le temps.

Une semaine avant la clôture, la moitié des speakers cliquent enfin sur soumettre et notre “to-review list” déborde totalement. Pour nous le compte à rebours s’écoule également: l’organisation de la conf attend du comité de clôturer la sélection à une date butoire. Donc il n’y a pas de magie: si vous soumettez le dernier jour, il y a de grandes chances que les échanges soient limités, voire inexistants. Pire il se peut même que tous les membres n’aient pas le temps de voter avant la sélection finale. Pour mitiger cela, les propositions avec le plus de votes et la meilleure note moyenne sont évidemment favorisées.

Admettons que votre proposition soit postée assez tôt et qu’elle paraisse tout à fait intéressante, mais voilà, vous n’avez pas d’expérience en tant que speaker, impossible de trouver le moindre billet de blog dont vous êtes l’auteur, pas l’ombre d’une contribution sur un projet open source en lien avec votre proposition. À ce moment là vous vous mettez derrière le prisme d’un membre du comité et posez vous la question : “Comment je peux savoir qu’il maîtrise le sujet? Comment je peux savoir s’il s’exprime d’une façon suffisamment acceptable pour justifier de lui attribuer un slot?”. Mais au final la décision ne se borne pas à ça car tous les ans nous pensons qu’il est important de faire confiance à des speakers inexpérimentés.

Néanmoins, vos chances augmentent forcément si vous commencez par présenter quelques sujets dans des meetups et autres user groups. Et surtout n’oubliez pas de les mentionner dans la section qualifications de présentateur de la page de présentation de votre profil dans l’appli du CFP.

Pour vos premières tentatives, vous pouvez également jouer de façon stratégique. Les conférences (45 minutes) sont les types de présentations pour lesquels le plus de slots sont prévus mais ce sont aussi ceux où la concurrence est la plus rude! Viennent ensuite les tools in action, un format plus concis (30 minutes) légèrement moins courus que les conf par les candidats, mais l’écart s’amenuise d’année en année. Le quickie (15 minutes) est carrément moins sollicité mais n’est pas à négliger. Certes il ne donne pas accès à une place gratuite à la conférence, mais il peut être une bonne rampe de lancement pour votre parcours de conférencier.

Enfin parlons du contenu. Le hype c’est bien, mais trop de hype tue le hype (ça fait trois fois hype, merde quatre maintenant!)… Si vous avez tenté de proposer un sujet sur les micro services pour l’édition 2016, pensant prendre tout le monde de vitesse sur le sujet, sachez que vous n’avez pas été le seul… Loin de là! A la fin des évaluations j’avais l’impression qu’il n’y avait que moi dans le monde qui ne travaillait pas dans une architecture basée sur des micro services!

Quel est l’objectif du comité?

A mon sens, le principal objectif est que les participants de chaque édition sortent de la conférence pleinement satisfaits des trois journées écoulées. Evidemment les speakers sont une des pierres angulaires de DevoxxFr, mais s’il n’y a pas de participants, il n’y a pas de sponsors, pas de conférence et pas de speakers!

Ensuite en terme de contenu, nous tenons à ce qu’il soit varié tant sur le plan du niveau de la présentation, de débutant à expert tout le monde doit trouver son compte; que sur le côté innovant du sujet, évidemment nous aimons tous découvrir de nouvelles technos dans les conférences mais emmagasiner au cours de DevoxxFr des compétences directement exploitables le lundi qui suit nous paraît largement aussi important. Donc des sujets qui peuvent paraître un peu legacy ont carrément leur place. Cela fait d’ailleurs partie de l’appétence du public car, pour exemple, les sessions containers JavaEE, EJB, Hibernate ou encore SQL sont régulièrement pleines à craquer!

Vous avez lu mon billet et celui d’autres, vous avez compris ce qu’était le comité, vous avez mis toutes les chances de votre côté et finalement le couperet tombe et vous vous êtes fait kicker! La question évidente arrive: mon sujet déchire, pourquoi moi? Tiens d’ailleurs est-ce que le comité pourrait me donner les éléments de décision qui les ont poussé à éconduire ma proposition? Ma première conférence était un hand’s on lab monté avec mon collègue @framiere. Elle a été rejetée deux années consécutives à DevoxxFr, pourtant il me semble bien qu’on avait des potes dans le comité, tiens prends ça dans ta gueule au passage argument du réseautage, et une fois au Breizhcamp. J’ai donc posé la questions aux organisateurs afin de procéder aux ajustements qui permettraient de passer la prochaine fois. Evidemment ce n’était pas possible et je n’ai pas trouvé cette réponse satisfaisante, car elle ne l’est pas. Mais depuis que je fais partie du comité, je comprends bien que la volumétrie (220 slots pour 800 propositions) empêche d’accéder à cette légitime demande de feedback.

Autre point ne vous découragez pas. Pour la petite histoire, ce hands’on qu’aucune conférence ne voulait accueillir a été joué dans une manifestation plus petite, dans plusieurs meetups et user groups, a finalement été acceptée à DevoxxFr et en 2015 on s’est retrouvés à San Francisco pour le donner à JavaOne!

Pour continuer dans le story telling, ma première participation à DevoxxFr était un lot! En tant que speaker débutant, j’ai participé à la première édition du tremplin Young Blood organisée par le ParisJUG. C’était une super expérience car des personnes plus expérimentées m’ont accompagné pendant la préparation, n’hésitez pas à exploiter cette voie, d’autant que c’est le moment.

Bon et si vous avez été sélectionné, maintenant il va falloir bosser, n’hésitez pas à lire le billet de @dgageot sur le sujet http://blog.javabien.net/2013/02/23/bien-se-preparer-pour-une-conference/ .

Tout ça fait finalement très “papa speaker explique aux juniors” mais je me suis lancé en 2013, c’était hier, j’ai réussi à en placer quelques unes mais j’essuie toujours des refus et surtout, avant une première présentation, j’ai toujours l’angoisse de savoir si je suis le seul à trouver le sujet intéressant ou s’il va trouver son public.

Je profite également de ce billet pour passer un petit message à mes collègues du comité et aux orgas. Nous vivons tous quasi quotidiennement des réunions fleuves parfaitement infructueuses, mais chaque rencontre physique du comité démontre qu’il est possible de réunir une vingtaine de grandes gueules pendant quelques heures tout en assurant efficacité et time boxing. Belle performance!

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